Plusieurs excellentes études canadiennes récentes se sont penchées sur les préjugés sexistes en chirurgie. On y a analysé ces biais sous différents angles. Plus précisément, ces études ont mis l’accent sur les demandes de consultation et elles ont comparé l’issue de chirurgies similaires chez les hommes et les femmes et la rémunération selon le genre des médecins et selon les pathologies.
Wallis et ses collaborateurs1 ont publié dans la revue JAMA Surgery une étude menée à partir d’une base de données ontarienne. Dans une cohorte comportant 1 million de patients, les malades opérés par des chirurgiennes ont présenté moins de complications (p. ex., décès, réhospitalisations ou complications majeures) 90 jours ou 1 an après leur chirurgie comparativement aux malades opérés par des chirurgiens. Ce type de lien a été observé dans presque tous les sous-groupes définis selon des caractéristiques propres aux malades, aux spécialistes, aux hôpitaux et aux interventions. Malgré cela, une autre étude de population transversale ontarienne2 a révélé que les chirurgiens semblaient préférer orienter leurs malades vers des collègues masculins, notamment en ce qui concerne les opérations plus complexes. Selon les auteurs, cette disparité ne diminue pas avec le temps, même si un nombre croissant de femmes se dirigent vers diverses disciplines chirurgicales et même si ces préférences donnent lieu à un nombre moindre de demandes de consultation auprès des chirurgiennes et d’interventions effectuées par elles.
Selon un récent article de Chaikoff et ses collaborateurs3 publié dans le JCC, dans 8 systèmes médicaux canadiens sur 11, la rémunération pour des chirurgies similaires a été nettement moindre lorsqu’elles étaient effectuées par des femmes plutôt que par des hommes. Les auteurs ont vu là une double discrimination à la fois envers les femmes médecins et envers les patientes.
Les conclusions de ces études sont troublantes puisque, en 2023, le Canada se targue d’être une société égalitaire. Globalement, que signifient vraiment ces observations pour le corps médical et la patientèle en chirurgie? Comment en tenir compte dans les initiatives d’amélioration de la qualité des soins pour nos pratiques et nos systèmes? L’équité entre les genres tarde encore à advenir en médecine, une profession sensément éclairée. Comment réagir? L’équité salariale devrait certainement être facile à mettre en place, mais les habitudes en matière de demandes de consultations seront plus lentes à corriger; elles passeront obligatoirement par des mesures délibérées et une compilation des données granulaires locales. Il est clair à présent que l’augmentation du nombre de femmes médecins et leur compétence scientifiquement avérée n’ont rien changé à la situation. Les racines sociales du problème sont profondes et transcendent la stricte dimension médicale. C’est à nous tous et toutes d’en faire une priorité. Comme toujours, il n’y aura pas de changements sans campagnes d’information et de sensibilisation efficaces. Il est maintenant temps de nous pencher sur ces enjeux et d’offrir des solutions, espérons-le, plus appropriées.
Footnotes
Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales.
Intérêts concurrents: E.J. Harvey est cofondateur et responsable de l’innovation médicale de NXTSens Inc.; cofondateur et médecin-chef de MY01 Inc. et de Sensia Diagnostics Inc.; et cofondateur et directeur de Strathera Inc. Son établissement bénéficie du soutien de J et J DePuy Synthes, Stryker, MY01 et Zimmer. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.
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