Bailey et ses collaborateurs1 abordent dans ce numéro du journal l’influence que l’industrie exerce sur la chirurgie factuelle. Ce sujet est populaire à la fois dans les médias généraux et dans les médias médicaux. La discussion ne s’estompera pas. Les universités encouragent les relations avec l’industrie pour aider à financer les efforts universitaires. Les organismes subventionnaires gouvernementaux demandent des liens permanents avec le monde des entreprises pour repérer les possibilités de transfert des connaissances qui aideront à lancer des produits sur le marché. Certaines subventions reposent uniquement sur les liens entre la commercialisation et la recherche. Les liens entre les entreprises et les milieux de la recherche ne feront que se resserrer. Il en découlera un problème possible que nous devons surveiller. Bhandari et ses collaborateurs2 de l’Université McMaster ont déterminé que la probabilité qu’un essai en chirurgie aboutisse à une conclusion favorable à l’industrie était 5 fois plus élevée que dans le cas d’un essai d’un médicament commandité par l’industrie. J’ai vérifié rapidement au moyen d’un moteur de recherche les résultats de Bailey et ses collègues. La recherche de l’expression « medicine industry bias » a produit 30 millions de résultats dans Google. Il se peut que les chercheurs scientifiques ou médicaux fassent preuve de laxisme dans l’analyse de cette relation, car les mêmes termes de recherche n’ont produit que 322 résultats dans la base de données PubMed. Bailey et ses collègues n’ont trouvé en réalité que 190 études portant spécialement sur le biais dans les études chirurgicales.
Les études favorisées par l’industrie risquent certes d’être partiales pour de nombreuses raisons. La conception des études penche très favorablement en faveur d’un résultat positif. J’ai siégé à des groupes qui étudient les études subventionnées par l’industrie et j’ai pu les comparer aux études où les subventions étaient rattachées aux chercheurs. À quelques exceptions près, les études issues de subventions basées dans l’industrie sont de mauvais exemples de recherche factuelle. Elles s’intéressent en général aux résultats de quelques chirurgiens choisis qui pratiquent une intervention simple et utilisent un appareil qui, souvent, n’est pas comparé à l’étalon-or. On affirme souvent qu’une telle comparaison est impossible. Par exemple, une greffe osseuse autologue coûte trop cher ou est trop douloureuse pour qu’on puisse la comparer au nouveau médicament miracle. Les résultats ne sont pas transférables à la population générale, aux chirurgiens utilisateurs ou à la pratique courante en chirurgie. Pourtant, à cause de leur nature randomisée ou prospective, on considère que les études limitées dérivées de l’industrie ont un niveau probant élevé. Nous devons faire preuve de prudence devant de telles affirmations. Par exemple, le marché des protéines ostéomorphogénétiques est passé de zéro à 800 millions de dollars par année en moins d’une décennie. Cette augmentation découle de 2 études sur des sujets humains très citées qui, si on les analyse plus à fond, pourraient ne pas refléter les données publiées à l’origine. D’autres recherches effectuées par d’autres groupes n’ont jamais produit les mêmes résultats en dépit de centaines de projets réalisés sur le même sujet.
Nous devons faire preuve de vigilance dans notre interprétation des publications. La recherche appuyée par l’industrie est nécessaire, sinon nous aurons bientôt très peu de financement. Nous devons toutefois garder le contrôle d’un plus grand nombre de paramètres de ces recherches et disposer de groupes d’examen neutres. Les publications devraient refléter le biais inhérent des études. Enfin, les journaux doivent disposer de plus d’information sur la conception et le financement des études et présenter l’information en question aux lecteurs afin que la population générale puisse décider elle-même ce qui constitue une recherche importante.
Footnotes
Intérêts concurrents : Aucuns déclarés.