Les médecins sont toujours prêts à discuter des heures de travail des médecins résidents. Un nouveau problème a fait son apparition dans le débat en cours depuis quelques années lorsqu’un seul médecin résident a contesté le contrat provincial du Québec en affirmant qu’il enfreignait la Charte canadienne des droits et libertés. La plu-part des associations de médecins résidents ont rapidement repris le flambeau. Elles visaient, semble-t-il, à modifier le quart de travail de 24 heures. Des études, y compris un article paru dans le New England Journal of Medicine1 et qui a beaucoup fait parler, ont montré que les médecins résidents risquaient des traumatismes tant au travail que par la suite à cause de leurs longues heures. Des dizaines d’articles et d’éditoriaux2 avaient été publiés avant et après la publication de l’article en question pour signaler que les patients courent aussi des risques. Les médecins résidents (en médecine, en chirurgie et dans d’autres disciplines) soutiennent que l’adoption d’un quart de travail fixé arbitrairement à 16 heures réglerait ces problèmes. Est-il juste de dire, à partir des rares données disponibles, que la formation en chirurgie serait la même? Scott et ses collaborateurs3 ont signalé dans le Journal canadien de chirurgie que des médecins résidents en chirurgie étaient d’avis que les habitudes de vie des médecins ne constituent pas un facteur important dans l’évaluation d’un choix de carrière. Ce point de vue est probablement important, car beaucoup de chirurgiens actifs dépassent de loin les limites de 16 et 24 heures dont il est question dans les discussions.
Le New England Journal of Medicine a publié récemment les recommandations du groupe de travail de l’Accreditation Council for Graduate Medical Education (ACGME)4 au sujet des heures de garde. Il est intéressant de voir l’évolution des recommandations au sujet de la modification des heures de garde dans les 3 dernières publications de l’ACGME. Ces changements se sont produits même s’il y a peu de données concrètes sur le besoin d’une modification. En dépit du consensus au sujet de la nécessité de modifier la durée des quarts de travail, les auteurs mentionnent une étude5 où l’on a analysé les poursuites pour faute professionnelle et qui indique que les problèmes de communication — comme le manque de supervision et de pratiques sur le transfert des dossiers — constituent les principaux facteurs qui contribuent aux erreurs en contexte de formation. Or, le nombre accru de transferts de dossiers inhérent à des quarts de travail plus courts ne fera qu’aggraver le problème.
Que se passe-t-il sur un étage de chirurgie lorsque la période de 16 heures est terminée? Le premier assistant se contente-t-il simplement de quitter le patient? Devronsnous embaucher des adjoints au médecin comme premiers assistants? Où la confiance dans les soins prodigués par les médecins résidents dégénère-t-elle dans ce scénario? Chez les patients, qui doivent répéter la même information après chaque quart de travail, ou chez les médecins traitants qui en viennent à percevoir les résidents qui relevaient auparavant d’eux comme de simples travailleurs de quarts? Je ne dis pas qu’il faut revenir au vieux modèle type d’une journée de garde sur 2 dans le contexte duquel une foule de nos lecteurs ont reçu leur formation, mais pourquoi nous presser pour modifier constamment les conditions de travail lorsqu’il y a très peu de données probantes indiquant quelles en seraient les conséquences sur le soin des patients? Nous devons analyser de près l’effet que les modifications des heures de travail des médecins résidents en chirurgie auront sur le soin des patients, la durée des programmes de résidence à l’avenir et, bien entendu, sur la santé et le mieux-être des médecins résidents.
Footnotes
Intérêts concurrents : aucuns déclarés.